La galerie Sage, pour sa 15e participation à Paris Photo, a choisi de mettre en lumière des artistes marquées par la vie : artistes depuis toujours pour peu, révélation tardive et inattendue pour la majorité. Tous ont en commun leur attrait pour la photographie, pour l’image comme support artistique d’une pratique pure, inventive, loin du mimétisme de l’art traditionnel baigné de culture et de mode.
Cette première définition, celle de l’Art brut, est donnée en 1949 par Jean Dubuffet dans son manifeste L’art brut préféré aux arts culturels. Initiateur du terme, le plasticien français constitue rapidement une collection d’œuvres créées par des personnes marginales, asociales, révoltées ou souffrant de troubles psychiatriques. Rassemblées au sein de la Collection de l’Art brut, aujourd'hui à Lausanne, ces productions artistiques instaurent les fondations d'un art qui s'exonère des codes esthétiques.
Au cœur de l'Art Brut se trouve l'abolition des schémas conventionnels liés aux circuits artistiques : étrangers au monde de l'art et au marché de l'art, ces artistes dépassent le conformisme moderne. Sans intérêt pour les attentes et codes esthétiques, ces créateurs brouillent les frontières de nos connaissances pour remettre en jeu involontairement un bien commun : notre vision du monde.
Ainsi, plus que de déterminer un groupe artistique marginal, Dubuffet met au jour des pratiques non-conformistes, plurielles, ni naïves ni populaires mais faisant preuve d’une originalité peu commune.
Forte de cette originalité, chacune des œuvres que la galerie Sage expose à Paris Photo est inévitablement unique. Le geste de l'artiste, ses choix photographiques et picturaux, sa conception du monde qui l'entoure, autant de caractéristiques singulières qui font de chaque oeuvre des productions exceptionnelles.

Elke Tangeten
Nos yeux, 2019
Peinture pour vitre sur papier photographique 14,5 x 10 cm
« Des productions de toute espèce- dessins, peinture, broderies, figures modelées ou sculptées etc. présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l'art coutumier et des poncifs culturels, et ayant pour auteur des personnes obscures ou étrangères aux milieux artistiques professionnels. » Jean Dubuffet, Notice sur la Compagnie de l’art brut, 1936.
« Des personnes obscures » Derrière cette dénomination de Dubuffet, des artistes autodidactes, inspirés de leurs expériences, leurs traumatismes, leurs troubles psychiatriques.
Là se trouve probablement le point de divergence primordial de ces inventeurs.
Désignées durant une grande partie du XXème siècle comme "l’Art des fous", ces pratiques font moins preuve de folie que d’expressions intimes, de sensations personnelles, parfois d’exutoire mais toujours de liberté.
Dès lors s’ouvrent de nouveaux mondes pour le regardeur : l’artiste ne montre pas, il ressent, s’émancipe, crée spontanément sans jamais adhérer ni rejeter les carcans esthétiques.
Au côté de La « S » Grand Atelier, centre d’Art Brut et contemporain, Dominique Théate, Séverine Hugo, Elke Tangeten et Marie Bodson, artistes aux handicaps mentaux, s’épanouissent dans un véritable laboratoire artistique où la primat de leurs langages inventifs fait loi.
Marcel Bascoulard quand à lui, décédé en 1978, fut un artiste autodidacte décadent, à part, connu pour sa vie de pauvreté et son goût pour le travestissement. Toute son existence fut menée marginalement, sans jamais choisir un genre, un quotidien, un art normatif : une vie de possibilités totales et revendiquées.