Dans un monde en proie à l’urgence et au doute, je rêve de confins et de libertés acharnés. D’une voie d’Homme – ma voix – qui, se délestant de ses peurs et de ses faiblesses, serait l’écho d’une métamorphose.

Provençal d’ancêtres et de cœur, j’ai longtemps été un déraciné : de l’Amérique profonde à la vieille Afrique, de l’Europe des Lumières aux futurs high-tech du Moyen-Orient, je suis cette génération sacrifiée sur l’autel du Progrès.

Cet exil, la Camargue en fut la mémoire outragée. Le hurlement moqueur d’une enfance disparue : une enfance qui, vibrant aux rythmes des gardians et des marécages, osait – sorte de Saint-Georges sauroctone – vivre son temps.

Retrouver aujourd’hui les terres de mes aïeux est pour moi un acte de foi ; une volonté indicible de transmission. Mais également d’acceptation. Entre mythe et réalité, je remonte le fil des morts pour ne plus faire qu’un avec la vie. Ma vie.

Je porte les stigmates d’un monde disparu. Un monde qui, vibrant aux rythmes des vents étésiens, chante les manades et les rires de mon enfance.

La vie est ainsi faite qu’elle transcende nos errances : cette fuite qui, débâcle de mes fleuves intérieurs, déchire le voile de mes identités dévoyées. À tout cœur combaNant, l’amour est horizon : il n’est Humanité sans terre et tradition.

Ce sanctuaire, ma Camargue en est la mémoire illustre. L’évidence d’un temps qui, de ses souffles sauroctones, m’absout de mes obscurités. Mes aïeuls ne s’y sont pas trompés : l’asile est mon foyer. De même qu’une rose a son épine, mon âme a son parfum.

Ô Terre nourricière, la mort est ta vision. L’immuable égalité de nos respirations : aux tourments de tes eaux, je vénère ton cours destructeur. Mon art est fondation.

La Camargue est mon refuge. Cet asile qui, m’ayant vu naître, a fait de moi le gardian que je suis. Cette mémoire d’un monde, je la veux défendre de ma vie. Un engagement qui dépasse de loin l’idée de la seule tradition : car défendre la Camargue c’est aussi, dans une société contemporaine en proie à l’urgence et au doute, poser la quesOon de la biodiversité mondiale et d’une écologie positive et raisonnée pour tous.

C’est pourquoi, je souhaite mes « Toros du Vaccares » un sanctuaire. Un sanctuaire iOnérant qui, sorte de compromis entre nos espoirs et nos illusions, célébrerait notre bien le plus précieux : notre capacité à être et penser notre vie, nos amours et notre mort.

Ces têtes de taureaux – nos taureaux ! – c'est la faucheuse qui nous regarde droit dans les yeux, l’idéal d’une vie qui nous échappe dans la montée des eaux. Ces têtes, c’est l’amour de tous les maOns du monde, c’est le son de notre rire dans les bras de notre mère.

Aux reflets de leurs âmes libérées, je renais – moi, l’Homme condamné.

Stanislas Blohorn

Installation rue des Arènes à Ales jusqu'au 28 septembre

Exposition Galerie Belle-Beau au 14 rue de Grille // de 16 à 19h ou sur rendez-vous ) 689 336 316