Lors de la table-ronde arlésienne de l'UPP sur le Web 3.0, l’esprit de Frédéric Mistral à certainement soufflé incarné par le vent méridional. Les photographes ont besoin de ce souffle nouveau que propose le Web 3.0 avec les NFTs, la blockchain ou le métaverse. La table-ronde a réuni Dimitri Daniloff, Estelle Decléènne, Didier de Faÿs et Stéphanie de Roquefeuil
Table-ronde de l'UPP du 7 juillet 2022 à Arles
Organisée par Union des Photographes Professionnels & Photographie.com
Photographie de Dimitri Daniloff.
Matthieu Baudeau • Bonjour. Merci beaucoup d'être venus nombreux puisque toutes les chaises sont remplies. Je suis très content de débuter cette conférence de l’Union des Photographes Professionnels en coopération avec Photographie.com. Merci beaucoup Didier de nous accueillir chez toi. Nous avons une conférence aujourd'hui avec un sujet hautement important ou du moins novateur que l'on a du mal à percevoir, que l'on a du mal à comprendre, que l'on a du mal à définir qui est celui des NFT. Juste avant de leur laisser la parole deux ou trois mots sur l’Union des Photographes Professionnels. Nous sommes une organisation professionnelle, de représentation et de défense des photographes, puisque notre première mission, c'est bien évidemment de défendre leur droit, leur profession et particulièrement le droit d’auteur. Et dans un deuxième temps, nous, les représentons auprès de différentes instances avec lesquelles nous sommes en contact, que ce soit la formation professionnelle avec l’AFDAS que ce soit la Sécurité sociale avec l’AGESSA, que ce soit la caisse de retraite avec l’IRCEC, avec le ministère de la culture... Voilà, je vais laisser la parole à nos invités. Ils vont se présenter les uns après les autres. En tout cas, merci beaucoup d'être venu et je vous souhaite une bonne présence à Arles.
le Web 3.0 sera le Némésis, une justice distributive qui répare ce qui a été injustement volé par le Web 2.0
Estelle Decléènne • Merci Matthieu. Bonjour a tous, merci d'être venu, j’ai la joie de modérer cette table ronde. On va essayer de replacer, comme dit souvent Matthieu Baudeau, l'église au milieu du village, c'est à dire essayer de comprendre l'intérêt des NFTs et de comprendre aussi que ce web 3.0 n’est pas une suite du web 2.0. Au contraire, c’est un nouveau paradigme. Il serait temps justement d'en connaître tous les arcanes parce que les photographes ne se sont vraiment pas préparés au web 2.0. Ils ont eu une partie de leurs photos qui ont été détournées, les bénéfices ont disparu, etc. Ce que ce nouveau paradigme permet, c’est ce qu'on va voir ensemble avec tous les intervenants. Pour moi, le Web 3.0 ce sera un peu en figure mythologique le Némésis, c'est à dire une justice distributive qui vient réparer ce qui a été injustement volé. Donc ces NFT, je l'appelle comme ça le Némésis de ce nouveau paradigme. On va voir ensemble avec nos différents intervenants, comment ils ont abordés le NFT, ce qu'ils en ont tiré, l'intérêt qu'ils y ont trouvé. Nous allons voir avec Didier de Faÿs, qui est le directeur de la revue Photographie.com, qui est également le directeur de la Bourse du talent, nous verrons également le point de vue juridique avec Stéphanie de Roquefeuil, notre directrice des affaires publiques et juridiques de l'Union des photographes professionnels. Un point de vue et un œil photographique avec Dimitri Daniloff qui nous fait le plaisir d'être venu jusqu'à nous et son expérience est vraiment extrêmement enrichissante. Merci de la partager avec nous. Et en replay, nous aurons aussi Jean- Michel Pailhon qui est un collectionneur mais qui est aussi un dirigeant d’entreprise, chef d'entreprise de la société Ledger qui propose une sécurité des actifs numériques. C’est le point de vue aussi d’un collectionneur de l'ancien monde. Parce que Jean-Michel était aussi un connaisseur de l'ancien monde et aussi désormais de ce monde digital. Son point de vue, vous allez voir, est extrêmement enrichissant. Et je pense qu'à la fin de la conférence, une fois qu'on aura fait aussi un point avec Didier sur la lexicographie pour faire un petit hommage à Frédéric Mistral dont la mémoire baigne ces murs, on va faire un point justement du lexique pour bien comprendre. Qu'est ce que c'est cet univers et tout l'écosystème des noms qui se cachent derrière le NFT et la blockchain?
nous voulons motiver les photographes À se saisir des outils du web 3.0 et porter directement leur voix
Didier de Faÿs • Merci beaucoup Estelle. J'aimerais présenter Estelle Decléènne, qui est à la fois photographe et elle est très active dans le nouveau bureau de l'UPP. En tant que journaliste, je suis enthousiaste de voir l'Union des photographes professionnels se saisir de ces outils qui sont cruciaux pour les créateurs. Il s'agit dans cette table ronde de motiver, de vous motiver vous les photographes pour vous saisir de ces outils, pour porter votre voix. Imaginer ce que les photographes pourraient faire avec ces outils dont nous allons parler. Premier photographe invité : Dimitri Daniloff. Bonjour, tu es arrivé d’Espagne. Tu es photographe international, photographe de mode, photographe commercial aussi.
Dimitri Daniloff • Exactement. Je suis à Barcelone. Merci de me recevoir aujourd'hui. En fait, j'ai une carrière, ça fait plus de vingt ans maintenant que je fais de la photographie. J'ai commencé à la chambre 4x5. Pour les photographes, c'est un peu la Rolls de la photographie. J'ai appris à composer une image à la chambre 4x5 avec des plans films à shooter, une quantité de film très limitée. Et je suis passé en fait très vite à partir de 2002, à travailler en numérique. On m'a proposé de faire une campagne pour la Play Station. C’était l'une des premières grosse campagne avec un montage très important qui nécessitait une grande quantité d'images pour les recombiner ensemble sur Photoshop. Mon option a été de me dire je vais pas le faire à la chambre mais en numérique. C'est vraiment à partir de 2002, que j’ai commencé en numérique parce que c'était un outil qui rendait mon image et mon travail plus performant, plus efficace, plus rapide. Très vite ensuite, j'ai continué à partir de 2005/2007 en intégrant de la 3D dans mes images et plus récemment de la photogrammétrie. C'est un nouveau terme photogrammétrie ? C’est de la photographie en 3D, en trois dimensions. Mais encore une fois, c'est la technologie. Elle est là, c'est un appui, c'est un support, c'est un support de création. Et comme on va parler aujourd'hui des NFTs, c'est la même chose. Je pense que tout à l'heure, tu parlais de l'ancien Monde et du nouveau Monde. Pour moi, il n'y a pas tant de différence à faire, sinon une continuité et des outils qui permettent aux photographes d'évoluer. Je me souviens en 2002 2003, quand j'avais mes potes photographes qui me disaient : « Mais tu commences à shooter en numérique, mais c'est pourri comme qualité, c’est mauvais ». Tout le monde me disait : « ça n'arrivera jamais à un niveau professionnel ». Je me souviens que les photographes autour de moi, je travaillais au studio Rouchon, l'un des grands studios parisiens. La plupart des photographes qui m'entouraient me disaient « mais pourquoi, pourquoi faire du numérique ? Ça n'a pas de raison, car la qualité est mauvaise. » Certes, ce n'est peut être pas aussi bien que le film, mais il y a aussi de gros avantages. Et je vais vous montrer que le numérique a tellement d’avantages que j'ai fait une campagne qui a gagné le Grand Prix de Cannes. Donc c'est la plus grande récompense qu'on peut obtenir en publicité. Et mon principe était de dire si je gagne Cannes avec une image numérique, c'est que la qualité d'image, elle n’est pas si mauvaise. Parce que le jugement se fait sur le concept mais aussi sur la qualité. C'était un peu ma façon de dire pour le numérique, il existe, on peut faire des images qui ont une valeur et voilà.
La plupart de mes images n'ont été jamais imprimées, elles ont toujours vécu sur des écrans
Didier de Faÿs • Tu es un digital natif en photographie ?
Dimitri Daniloff • C'est ce qu'on appelle maintenant un digital natif. Je n'en avais pas conscience jusqu'à il y a très peu de temps, mais effectivement, pour moi, c'était depuis 2002, 2003. J'ai très peu regardé des images sur table lumineuse, j'ai l'habitude de regarder mes images sur des écrans, li y a très peu d'images que je regarde sur des prints. D'ailleurs, la plupart des images qu'on va montrer ici, ce sont des images que j'ai jamais imprimées, elles ont vécu sur des écrans, mais jamais en print. Je viens de faire une image d’un mètre sur un mètre, c’est la première que je fais depuis dix ans.
Didier de Faÿs • Le numérique, c'est aussi Internet. Tu étais tellement actif dans cette carrière avec des grands musiciens comme Daft Punk, des campagnes pour la PlayStation de Sony. Et un jour, on t'a fait observer que sur Internet, tes photos sont très présentes. Quelle est ta première réaction quand tu constate que tu es partout? Les photos de Daft Punk que tu as réalisées sont omniprésentes sur Internet.
Dimitri Daniloff • Effectivement, et j'ai eu une carrière assez importante puisque j'ai gagné le Grand Prix de Cannes en 2003. Suite à ça, j'ai continué à travailler pour la Play Station. En fait, l'agence me disait : voilà, on a plusieurs concepts et je faisais le choix de ce que je voulais exécuter ou pas. Je passais mon temps dans des avions entre New York, Londres, Paris, Tokyo. J'ai travaillé avec Daft Punk, avec Black Eyed Peas. Je passais mon temps sur des shootings, des grosses productions aux États-Unis et je n'étais pas très concerné par toute ma communication, le public relation. Florence Moll mon agent à Paris, me disait qu'il faudrait que je sois présent dans des événements. Mais ce n'est pas ce qui me plaisait. Et puis, il y a trois ans, un copain artiste argentin me dit : « Dimitri, c’est toi qui a fait les images de Daft Punk ? - Ben oui. Pourquoi ces images? - C’est qu’elles sont connues. Ça fait des années que je les connais, depuis 2008 on les a vues partout sur Internet. » Je n’étais pas au courant. J'ai fait mes images en 2008, c'est pour un magazine indépendant, on m’a laissé faire ma série et je suis passé à autre chose. Il me dit regarde parce que ces images elles sont partout sur Internet. Et il me demande aussi si c’est moi qui a réalisé les images Play Station. C'est que ces images là aussi, on les a vues partout sur Internet et je n'avais pas conscience de l'ampleur. J'ai commencé à regarder sur Internet et je me suis rendu compte qu'effectivement les images Daft Punk étaient partout dans les fan-clubs... David Bowie en 2014, a utilisé les images des Daft Punk Car, on avait fait un hommage de Daft Punk à la couverture de l'album Heroes pour se poser tous les deux exactement dans la même pose avec la main comme ça. Et David Bowie, en 2014, utilise cette image sur son compte Facebook. Je n'ai jamais été au courant, mais j'ai découvert ça il y a trois ans, donc j'ai reconstitué l'historique de ce qui s’est passé. J'étais très populaire sans le savoir, oui. Le problème, c'est que toutes ces images, il n'y a jamais eu mon nom qui était dessus. C'est le problème du Web 2.0 et c'est là ou on arrive aux NFTs. Oui, donc en même temps, tu est heureux d’être très connu. Oui, parce que c’est ce qui fait la valeur d'une image, et maintenant on va en avoir de plus en plus conscience avec les NFTs. Ce qui fait la valeur d'un travail, c'est sa visibilité. C'est à dire que vous pouvez avoir une image faite par un grand photographe. Si l'image n'est pas connue, elle n'aura pas la même valeur qu'une image qui aura circulé partout sur Internet. Plus l'image va être visible, plus sa valeur va augmenter. C'est exactement le principe maintenant des NFTs et de ce qui est en train de se développer. Et l'Internet, c'est ce qu'il a fait, c'est que les images étaient utilisées. Elles ont pris de la valeur, mais tant qu'il n'y avait pas de nom dessus, si ce n'est pas associé à une possibilité de la commercialiser, cette valeur elle n'existe pas. Et donc ton nom est absent. Et pour un auteur, c'est embêtant. En fait, ce qui s'est passé, c’est que je me suis trouvé à un moment ou ma carrière s’est arrêtée. Ce sont des cycles en tant que créatif, en tant qu'artiste, on passe tous par des hauts et des bas. Le problème, c’est quand on arrive sur un bas et que vous n'avez pas eu votre travail qui a été associé à votre nom... Ma carrière s'est arrêtée. Après, j'ai aussi fait un choix de partir sur d'autres choses et d’explorer la photogrammétrie, des domaines plus expérimentaux et des choses comme ça. C'est un choix personnel. Mais effectivement, ce qui s'est passé, c'est ça, toutes ces images ont circulé sans porter mon nom. Et du coup, depuis deux ans, mon travail, c'est de me réapproprier ces images.
Le Web 3.0 et les NFTs, le moyen pour les artistes de se réapproprier lA PATERNITé DE leur travail
Ce copain artiste d'Argentine, qui était dans le monde du NFT m’a dit, « regarde les NFTs parce que ça va être le moyen pour toi, de te réapproprier tes images ». En fait on va parler du web 3.0, du NFT, on ne parle pas des crypto-monnaies, on parle pas de tout ça. C'est deux choses différentes. Le Web 3.0 et le NFT, c'est le moyen pour les artistes de se réapproprier leur travail. Quand je dis pour les artistes, ce sont des photographes, des artistes numériques, des artistes 3D.
Didier de Faÿs • Et ça a fonctionné lorsque tu as commencé à revendiquer ton nom, revendiquer la paternité sur ton travail.
Dimitri Daniloff • Donc à partir de ce moment là, ce que j'ai fait, c'est qu’on m’a conseillé de prendre contact avec SuperRare, c'est la plus grosse galerie NFT, et j’ai essayé de partir sur la plateforme. Et alors, ça veut dire enregistrer sur la blockchain des images mêlées à la vente. Et c'est ce que j'ai fait avec la série Daft Punk. Le but n'était pas de les vendre, c'était de me réapproprier mon travail en fait. Pourquoi? Parce que ce travail avait été diffusé sur tout le réseau Internet. Je suis ravi que des fans des Daft Punk utilisent mes images pour faire des fonds d'écran. J'ai aucun souci, au contraire, c'est ce qui fait la valeur des images. Par contre, ce qui pose un problème, c'est quand on parle de magazine et quand on parle de Pitchfork, de Fact Magazine qui sont des magazines avec plus de 200 ou 300 500 000 followers que ces magazines là ne citent pas un photographe ou modifie l'image sans l'autorisation du photographe. Ça c'est le web 2.0, c'est la gratuité, c'est tout m'appartient. Je n'ai aucun compte à rendre ça, c'est le problème. Le Web 3.0, on arrive vers des images sans avoir du travail sur lequel on peut demander une valorisation. Et on peut s'assurer aussi de maîtriser la spéculation sur ce domaine. La spéculation, on va l'évoquer tout à l'heure. Oui, oui, mais cette maîtrise de la paternité sur ses œuvres est cruciale. C'est encore une fois pour les artistes, les photographes. D'un seul coup, on peut enregistrer son image et en fait, ça permet sur du long terme de contrôler effectivement tout le mouvement, de s'assurer. Alors là bas, il y a des systèmes où on peut enregistrer son propre site en contractant son propre contrat pour s'assurer de l'originalité du travail. Et c'est ce qui permettra, je pense très vite de développer cette technologie formidable. Cette expérience, c'est très très positif, je suis ravi et défenseur de cette technologie. C'est la technologie qui permet de prendre les photographes pour le protéger, de s'assurer la bonne utilisation de ses images.
Estelle Decléènne • Merci beaucoup Dimitri. Justement, on va aborder avec Stéphanie de Roquefeuil qui est notre directrice des affaires publiques et juridiques ce point de vue. Quels sont les bénéfices juridiques et comment la loi perçoit les NFT ?
Stéphanie de Roquefeuil • La loi, c'est pas vraiment le premier mot auquel on pense quand on parle de NFT. Parce que, comme disait Didier il y a une seconde, les NFTs, c'est le Far West. Pour l'instant, la réglementation, elle est inexistante. Le monde crypto du web 3.0 a été conçu justement en opposition à ces autorités toutes puissantes des GAFAM, à Meta, curieusement, à Google, à Microsoft, à toutes ces grandes sociétés qui centralisaient les informations. L'objectif du 3.0, c'est que chaque acteur de ce monde puisse définir lui même ce qu'il souhaite créer, ce qu'il souhaite avoir comme bénéfice et comment il souhaite contrôler les risques liés à sa présence sur le web. Ce que disait Dimitri, c'est que dans le Web 2.0, dans le Web tel qu'on le connaît tous aujourd'hui, la photo numérique, elle s'équivaut.
si DANS LE WEB 2.0, on oublie qui est l'auteur original de la photo, le web 3.0 propose la traçabilité des images et le droit de suite contractuel
Lorsque vous postez une photo en jpg sur un site, elle va être reprise à droite à gauche, sur les comptes Instagram, sur les comptes Facebook, sur divers sites, sur les sites de magazines qui sans vergogne, vont s'emparer des photos pour les retoucher, les recadrer, les passer en noir et blanc. On connaît tout ça et à la fin, on oublie même qui est l'auteur original de la photo. La valeur de la photo, et donc la valeur du photographe lui même qui est à l'origine de la photo, s'est diluée au fil des diffusions. Et donc parce que la photo est diffusée, ce qui est l'origine et le but du web, le rapport de force s'inverse et ce qui devait être bien devient un mal pour le photographe. Le Web 3.0 lui permet d'inverser la tendance. Vous créez quand vous créez un NFT, un « tirage » authentique, signé, numéroté, comme ce que vous faites chez votre galeriste ou avec avec vos tirages papier. Mais vous le faites en numérique, donc vous redonnez une valeur de tirage unique, d'objet d'art à une photo qui était devenue une espèce de photocopie numérique telle qu'on peut les faire chez Photo Service. L'objectif c'est que le photographe puisse authentifier qu'il est l'auteur de cette photo, que cette photo où qu'elle circule ensuite sur les blogs, soit attachée à son nom et d'autre part qu'il puisse en tirer un profit financier. C'est à dire que d'une part, vous allez pouvoir vendre des tirages numériques signés, numérotés sous forme de NFT. Et par ailleurs, vous allez avoir la possibilité, ce qui est très nouveau en fait, par un contrat qui s'appelle le smart-contract, de définir sous quelles conditions financières pour vous vos photos vont pouvoir être vendues. Par exemple, Dimitri va dire dans le smart contrat qu'il va créer et qu'il associe à sa photo « Je suis Dimitri Daniloff, j'ai créé cette photo. Elle vaut tant et à chaque fois que cette photo sera vendue, je récupérerais 5 % du produit de la vente. Il va vendre sa photo une première fois, un certain nombre d’Ether. Je lui souhaite que ce soit beaucoup et après l'acheteur de cette photo peut-être, va l'aimer intrinsèquement et se dire je vais la garder pour moi, mais peut être va se dire comme tout acheteur d'art, peut être la revendre parce que j'envisage de passer sur un autre type de photo qui m'intéresse. Il va la revendre à quelqu'un d'autre et automatiquement par l'acte de revente de cet acheteur numéro un à l'acheteur numéro deux. Dimitri va récupérer une sorte de rente, une sorte de montant complémentaire, un pourcentage de revente de la photo. Ça permet donc une traçabilité des images puisque tu sais toujours où circulent toutes tes photos et qui en sont les propriétaires et d'autre part ça lui permet d'avoir un vrai droit de suite contractuel sur ses images. Ça, c'est vraiment une bonne chose.
SUR LE WEB 3.0, tout est complètement transparent et visible par tout le monde
Dimitri Daniloff • Pour bine comprendre, le propriétaire de l'image n'a absolument rien à faire. En tant que photographe si vous enregistrez votre image sur la blockchain à partir du moment où elle est vendue. Vous allez donc définir le prix, le premier prix de vente ou un prix de réserve puisqu'il y a un système de vente aux enchères aussi. Vous pouvez dire mon image vaut au minimum tel montant. À partir du moment ou ce prix de réserve est atteint, la personne va pouv oir surenchérir et acquérir l'image. Et ensuite, à partir du moment où s'il y a de la spéculation sur votre travail, pour les acheteurs, pour les marchés secondaires, chaque revente [génère un pourcentage] automatiquement, sans rien faire de votre part. Et il n'y a pas d'arnaque possible puisque tout est transparent, contrairement à une idée reçue que la blockchain cache des transactions, non, au contraire, c'est que tout est entièrement transparent et automatique au moment de la revente. À partir du moment ou l'acheteur, votre premier acheteur, revend l'image, vous recevez 10 ou 20 % que vous avez demandé dans vos smart contacts, sur votre portefeuille et sur votre porte-monnaie. Il n’y a aucune action à faire et aucune « vigilance » à avoir. C'est un système qui est complètement transparent. Encore une fois, c'est important de comprendre car beaucoup de gens s'imaginent que c'est occulte et qu’on arrive pas à suivre. Au contraire, toutes les transactions, tout est complètement transparent et visible par tout le monde. Donc, il y a aussi l'un des gros changements qui se passe en ce moment dans le monde de l'art pour les acteurs, c'est que d'un seul coup, on affiche ce que l'on gagne, contrairement à des siècles où l'artiste n'affichait pas et ne parlait pas de ce qu'il gagnait. Maintenant, l'artiste aussi bien français qu'américain, tout le monde affiche en disant « J'ai vendu mon image pour 2 ou 5 000 $ ». Vous ne pouvez pas le cacher. Et pour le fisc et tout ça, il n'y a pas moyen de le cacher puisqu'il suffit de rentrer le numéro de mon identité crypto et vous aurez toutes mes transactions.. C'est simple, vous allez sur SuperRare et vous aurez le prix de vente de toutes mes images, qui les a acquéri etc.
le NFT, c'est la libéralisation des échanges des photos, sous forme de tirages originaux et de cession de droits d'auteur
Stéphanie de Roquefeuil • Nous allons reprendre la base pour expliquer le fonctionnement. Moi, j'ai débarqué récemment dans ce monde là et ce n'était pas clair pour moi ce que c'était qu'un NFT. Un NFT ce n'est pas une photo. Un NFT ce n'est pas un objet d'art. Un NFT, c'est une ligne de code qui explique la manière dont on va échanger un objet numérique ou non sur le monde des crypto-monnaies. Ainsi, on va dire la photo 12345.JPG appartient à Dimitri Daniloff. La photo fait globalement 6000 pixels par 3000. Et elle est vendue pour tant d'éther puisque ça se vend en éther [unité de la crypto-monnaie Euthereum]. À chaque prochain [vente de la photo], Dimitri Daniloff gagnera 10 % du prix de vente initial. On peut mettre ce qu'on veut dans un smart-contrat. Le pourcentage peut être changé, Il est libre comme l'est tout contrat. Donc on peut mettre ce qu'on veut dans un smart-contrat. On peut dire par exemple, si on est un photographe : « L'acheteur de ce NFT bénéficie de l'autorisation d'en faire un usage non commercial et de l'afficher devant chez lui, sur sa porte s'il en a envie », ou bien « le propriétaire de ce NFT aura le droit d'en faire un usage commercial et bénéficiera des droits d'utilisation pour la reproduction en 10000 exemplaires en version Web » comme vous feriez avec n'importe quel contrat de cession de droits. Mais ce n'est pas obligatoire, c'est une option que vous pouvez avoir. En fait, le NFT, c'est aussi la libéralisation de la manière dont s'échangent les photos, d'une part sous forme de tirages originaux et d'autre part sous forme de cession de droits si l'auteur le souhaite.
Dimitri Daniloff • Cependant, par rapport à ça, il y a plusieurs questions qui se posent pour les photographes. Déjà pour bien comprendre le principe des NFTs, en tant que photographe, si vous faites une série de 50 tirages prints sur du papier, les 50 tirages n'ont pas la même valeur. Celui qui a la valeur, c'est celui qui a votre signature. Si vous avez 50 tirages avec un seul tirage avec votre signature, le seul qui a une valeur, c'est celui qui a la signature. Les 49 autres n'ont techniquement pas de valeur, si ce n'est la valeur du print lui même. C'est exactement la même chose avec les JPGs et le NFT. Le NFT, c'est celui qui a votre signature qui est inscrit sur tout le réseau Internet à l'intérieur d'une blockchain. Si vous ne signez pas votre image, c'est un JPG. Et ce JPG n'a pas de valeur. Donc c'est exactement cela, il faut comprendre ce principe là de la signature. Un NFT, c'est une signature numérique au lieu d'être une signature sur un tirage papier.
Stéphanie de Roquefeuil • Tu disais qu'aujourd'hui, les photos, on ne les regardait plus sur du papier imprimé. C'est vrai que quand j'étais jeune, on se faisait passer des albums photos avec des photos imprimées, on visualisait des tirages d'art sur des jolis papiers Rags, etc. Aujourd’hui, la majorité des photos qu'on regarde, elles sont sur l'écran, elles sont sur notre téléphone, elles sont sur nos ordis, sur des powerpoints que l'on diffuse. Elles sont numériques et elles sont créées pour être vues sur des écrans. En fait, elles ne sont plus tellement créées pour être vues sur du papier. Le NFT, il est la nouvelle version du tirage d'art tel que l'on conçoit la photo aujourd'hui, c'est à dire vu sur des écrans. C'est la suite logique de notre évolution, de la vision, de la photo aujour d'hui.
Dimitri Daniloff • Je vais aller plus loin que ça pour moi même sur les écrans, on a même perdu un peu la valorisation d'une image parce qu'on en a tellement sur notre téléphone. On a des milliers d'images. Moi, j'ai 5 ou 6 mille images sur mon téléphone qui remontent sur mes dix dernières années. Voilà, il y a une nouvelle façon qui, à mon avis, va exploser, c'est les galeries virtuelles. Et quand je dis galerie virtuelle, ce n'est pas une galerie en deux dimensions, comme un site internet. J'en ai ouvert deux dans lesquelles j'ai mes archives. C'est une façon de représenter mon travail. C'est là que je peux inviter des clients. Je peux inviter des collectionneurs, je peux inviter mes amis. Alors oui, c'est un monde virtuel. Mais regardez aujourd'hui dans ce monde virtuel. Je rencontre Didier. Ça fait un an qu'on se connaît. On se connaît sur le monde virtuel, effectivement, mais je suis bien là physiquement. On se rencontre aujourd'hui physiquement, comme beaucoup de gens que j'ai rencontrés cette année, des collectionneurs qui vont acheter mon travail sur Internet sur ces plateformes NFT.
C'est sur ces plateformes que j'ai fini par rencontrer des collectionneurs. Ce sont des gens qui aiment mon travail, qui m'ont acheté deux, trois, quatre, cinq images. Il y a un moment, je me dis : Tiens, avec mon ami, on va prendre la voiture, on va aller le voir, on va lui dire bonjour. Et ça marche comme ça. Donc oui, c'est un monde virtuel, mais c'est un monde virtuel qui crée aussi des réseaux auxquels on n'avait pas accès auparavant. Jamais je ne me serais retrouvé ici. Jamais je n'aurais rencontré Didier s'il n'y avait pas eu ce journal tous les matins dans lequel on se croise régulièrement. Donc oui, c'est un monde virtuel, mais c'est un monde virtuel qui amène des rencontres. Et comme je disais, dans lequel maintenant on a des moyens d'exposition sur lesquels on peut mettre en valeur notre travail. Quand je me mets dans ma galerie, je fais une sélection de 20 images que je vais exposer dans un univers certes numérique. Certes, ça va être une sorte de musée idéalisé, avec des règles physiques ou non-physiques. C'est ma façon de revaloriser mon travail et je pense que chaque personne va arriver aussi à ça dans ses images, sans être même professionnel. Ses images de famille, finalement qu'on ne voit plus parce qu'on ne peut plus les partager, on les a sur son téléphone et puis elle sont pour soi-même, on va pouvoir créer des galeries virtuelles pour la famille. Ça, c'est ma meilleure photo, je vais la mettre ici et du coup, toute la famille va pouvoir entrer dans la galerie. Dans votre univers virtuel, les appartements sont trop petits pour les exposer. On récupère un espace virtuel dans lequel on peut mettre en scène. Il y a une phrase que j'aime bien, c'est : donnez-lui un masque et il vous dira la vérité [une citation d'Oscar Wilde], parce que c'est comme ça. L'internet, c'est ça aussi. C'est d'un seul coup tout le monde est créateur, tout le monde peut se libérer et dire je vais faire mon musée. Et on va mettre en scène nos images. On va les partager. On va recréer un lien social peut-être différent, mais on va se retrouver à l'intérieur de nouveaux réseaux dans lesquels on peut être avec des gens plus proches finalement. Moi, je me sens plus proche de Didier ou des collectionneurs que de gens que je ne connaissais pas. Et finalement, j'arrive plus facilement à parler aussi. Je pense qu'il faut voir vraiment les deux côtés.
Estelle Decléènne • Je voudrais rajouter quelque chose. L'autre jour, à la table ronde de Julien Zanet qui dirige Rhapsody Curated une plateforme qui propose des NFTs, il y avait des questions dans le public où il y avait beaucoup de peur. Mais la peur vient de l'ignorance. Et c'est vrai que les gens ne pensaient pas du tout qu'il y avait un rapport collectionneur-artiste qui pouvait s’opérer puisqu'on n'est pas obligé de mettre son nom en tant que collectionneur. Il y a eu beaucoup de questions qui étaient des questions de peur. Les gens n'arrivent pas à comprendre le rapport humain qui peut quand même s'installer dans le virtuel et la formidable visibilité du travail qui est offert dans les galeries [virtuelles]. On n'est pas que dans un univers complètement dématérialisé. Et puis, on peut aussi aborder des mots de vocabulaire.
Le monde virtuel ce n'est pas quelque chose d'éthéré, C'est aujourd'hui, C'est ce qui se passe maintenant !
Stéphanie de Roquefeuil • Cet univers virtuel, de galerie virtuelles, c'est quelque chose qui semble très abscons pour des gens d'une génération comme la mienne, mais pour des digital-natifs et pour des web 2.0 natifs. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont des enfants/des neveux/des potes jeunes. Essayez de supprimer son accès à son compte Facebook ou Instagram à un jeune, en fait, son monde s'arrête. C'est à dire que ses liaisons avec ses copains, elles passent par Messenger. Ses échanges d'informations, sa manière de communiquer avec le monde, elle passe par là. Le monde virtuel ce n'est pas quelque chose d'éthéré. C'est aujourd'hui. C'est ce qui se passe maintenant ! Avec le Covid, on s'est rendu compte de l'importance de «nos relations virtuelles », qui sont en fait très incarnées puisqu'elles débouchent sur des rencontres et sur des opportunités qu'on n'aurait pas eu précédemment.
Derrière cette image NFT, il y a un créateur, il y a quelqu'un qui est souvent super reconnaissant
Dimitri Daniloff • Moi, j'ai été surpris par exemple par le support des collectionneurs et des communautés. C'est vraiment impressionnant. À titre d’exemple nous avons ce genre de conversation : « T'inquiète, je vais t’acheter un truc si tu as des soucis pour payer ton loyer », je n'ai jamais vu ça ailleurs et il y a plein de jeunes artistes. Il y a des communautés d'artiste photographes femmes qui se mettent en place. Justement, avant de venir, j'ai acheté une œuvre à une photographe. Il y a vraiment cette idée de communauté, de support et d'entraide. C'est quelque chose que j'apprécie énormément. Quand vous achetez, n'achetez pas n'importe qui, n'importe quoi. Vous achetez à une personne. Derrière cette image, il y a un créateur, il y a quelqu'un qui est souvent super reconnaissant. Après, il y en a aussi qui disparaissent. Mais ils disparaissent aussi de l'écosystème très vite parce que les collectionneurs discutent entre eux et et ceux-là disparaissent assez vite.
Estelle Decléènne • On va écouter le replay qu'on a enregistré la semaine passée avec l'intervention de Jean-Michel Pailhon, qui est un chef d'entreprise mais qui est aussi un collectionneur. Et on va voir ensemble comment il a abordé les NFTs puisque c'est un collectionneur de l'ancien monde. Il va nous raconter son expérience.
L'ancien monde questionne sur la notion de provenance et de rareté
Jean-Michel Pailhon • Je suis à la fois collectionneur et je viens du monde d'avant. Je viens du monde des collections physiques. Il y avait des choses qui, en tant collectionneur, nous me satisfaisaient pas dans l'ancien monde. Quand on achète une œuvre en tant que collectionneur, on veux être sûr de la rareté. On veux être sûr de la provenance. On veut être certain de savoir si ce qu'on a est muséal ou non. Est ce que un autre collectionneur sera un jour sera intéressé à l'acheter ? Encore une fois, il y a une notion de provenance et de rareté et il se trouve que dans mes pérégrinations de collectionneur de photos, je me suis retrouvé plusieurs fois exposé à la question de m'interroger sur ce que j'achetais. Pas tellement la qualité artistique et esthétique de l'œuvre, parce que ça, il n'y avait pas de question, sinon ça ne m'aurait pas intéressé. Mais quand on commence à aller sur des prix importants sur certaines œuvres, là j'ai commencé à m'interroger sur : est ce que la petite signature en bas à droite ou de l'autre côté ... Est-ce que la signature est originale? Est ce que c'est bien l'artiste qui dessinait et surtout l'édition ce qui était pour moi essentiel? En tant que collectionneur, si j'achète une œuvre, il y en a dix ou même encore plus ? Ce n'est pas la même chose en tant que collectionneur sur une œuvre où il y en a 10 par rapport à 10 000. Parce que 10 000 et plus, ce sont des posters, en dessous de 30, c'est un tirage d'art et ce n'est pas la même chose. Après, on peut discuter la qualité du papier sur lequel le tirage a été effectué, mais ça, c'est encore un autre sujet. Et donc voilà, dans ce contexte de mes expériences là, en particulier avec un ou deux artistes photographes, je me suis rendu compte, malheureusement, en discutant avec des marchands d'art, des collectionneurs et des spécialistes, que c'était impossible techniquement de garantir que la photo que j'achetais, il y en avait bien que dix, que c'était bien la personne qui l'avait signé. Et malheureusement, il y avait pas mal de faux et notamment certains qui tournaient allègrement avec de grands photographes. On vous dit que vous en achetez un et que cette photo existe en 50 exemplaires, alors qu'en pratique, il y en a des milliers ! Encore une fois, la signature en bas à droite, c'est son tireur ou son marchand d'art qui a refait sa signature. Donc, fort de cette expérience que j'ai beaucoup étudié et qui m'a beaucoup « meurtri », en tant collectionneur et, en toute transparence, qui m'a pas mal freiné dans mes achats, quand les NFT sont arrivés, j'ai compris très vite ce qu'ils permettaient pour justement régler ce problème de provenance. Le NFT permet de garantir effectivement à travers de la blockchain que l'émetteur, la personne qui va effectivement émettre, créer et minter comme on dit en anglais, que le NFT, c'est bien l'artiste ou son marchand, sa galerie. En tout cas, on est capable de garantir la provenance et capable de garantir le nombre d'unités qu'il va en créer c'est-à-dire qu'il va en faire un, 10 ou 10000 s'il le souhaite ou plus.
Mais au moins, ça s'est forgé dans la blockchain une bonne fois pour toutes et on ne peut pas revenir en arrière. Ce sont deux sujets qui m’ont tout d’ensuite séduit. Et en tant que collectionneur, là, c’est une réponse technologique à un problème que j'ai en tant que collectionneur. Donc c'est génial parce que là, la technologie arrive en support d'un problème.
Aujourd'hui, si vous voyez notamment sur les jeunes générations, si vous leur dites: « bon, je vais te bloquer ton compte Instagram et ton compte Tik-tok, ou … », vous allez voir les réactions ! Et de l’autre coté je te bloque ton compte en banque. Je vous laisse deviner quelles options vont choisir les jeunes. C'est beaucoup plus important pour eux aujourd'hui d’avoir leur compte Tik-tok ou leur compte Instagram ou leur compte sur le réseau social sur lequel ils passent une partie de leur temps et qui est vraiment leur vie en fait, cela devient leur métaverse comme on dit. C’est bien leur vie numérique, en dehors de leur vie physique. Elle est plus importante quasiment que la vie physique qu’ils vivent. Ils vivent déjà dans le digital. Le digital est déjà dans leur vie. Il est déjà présent partout. Et donc finalement, qu'une œuvre digitale ait autant, sinon plus, de valeur qu'une œuvre physique, pour eux, c'est assez logique. Et encore une fois, c'est vraiment une sorte de rupture générationnelle avec les générations un peu plus âgées pour lesquels effectivement ce sujet de la physicalité de l’œuvre va être encore un point important. D’ailleurs pour moi dans tous les débats que j'ai avec des copains, des copains de copains ou même d’autres collectionneurs qui viennent me voir. Il y en a certains effectivement, en fonction de la génération pour lesquels c'est un peu plus compliqué de basculer de l'autre côté NFT.
Et je suis désolé que soit une longue réponse, mais elle est importante.
Maintenant une anecdote sur les NFTs que j’achète. Ma spécificité, ma verticalité, j'achète des NFT d'art assez générale, mais j'ai vraiment une spécialité dans la photo et dans la photo NFT. En fait, ce qui se passe assez régulièrement selon l’œuvre que j'achète, c'est que souvent les artistes me proposent, a posteriori, de me faire un tirage du NFT que j'ai acheté en photo. Au bureau, à la maison et dans d'autres endroits j'ai des grands tirages d'assez grands-formats qui aurait pu être dans le monde d'avant « l’original » qui aurait été exposés dans une galerie et dans une exposition. Et là, ça devient l'accessoire, le complément du NFT. Pourquoi je dis l'accessoire et le complément du NFT ? J'ai des photos assez grandes au bureau qui sont tirées de NFT. Si dans cinq ans, dans dix ans, je quittais mon entreprise Ledger, et bien, qu'est ce qui va se passer avec ces œuvres? Est ce que je vais les laisser exposées dans l'entreprise ou est ce que je vais partir avec ? Je pourrais très bien décider de les « léguer » ou de les laisser à l'entreprise comme un cadeau. Est ce que c'est grave? Est ce que c'est vraiment l'original qui est au mur ? Ou est ce que c'est moi qui ait l'original sur mon wallet en NFT ? Alors, mon parti-pris et ma vision, c'est que l'original, c'est moi qui l'ait en NFT et que finalement l'œuvre physique qui est tirée n’est qu’un très beau tirage. Par ailleurs, ce ne sont pas des tirages qui ont été faits à la photocopieuse ou à l'imprimante. Ce sont des très beaux tirages photos professionnels qui ont été faits chez des tireurs de renom à Los Angeles, à San Francisco. Et bien pour moi, ils sont magnifiques ces tirages, mais cela reste un accessoire de l'original et l'original devient l’original numérique. Le négatif numérique, c’est le NFT.
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En résumé, pour moi le NFT, en particulier pour la photo, c'est le négatif numérique et c'est ça qui a le plus de valeur pour moi que le tirage. Une fois que vous avez la haute définition du cliché digital, vous pouvez le tirer vous même et il n'y a pas de problème. Par contre, le one of one que j'ai, l'œuvre unique en NFT, en réalité, là, personne ne peut le forger. Personne ne peut me la copier, personne ne peut me la prendre. Elle est à moi, elle est sur mon wallet. Après, vous pouvez faire un clic droit sur Internet. Mais l'original de l'original, le négatif, le premier original, il est à moi. C'est inforgeable et c'est génial. En tant collectionneur, c'est ce que je recherche.
Encore une fois, les NFT, c'est tout jeune. Technologiquement, ça date de 2017-2018, c'est à dire quatre ou cinq ans maximum. En pratique l'adoption et surtout l'arrivée des artistes sur le NFT, c'est juste un an ou deux maximum. C'est à dire qu'il y a un pool d'artistes. Il y a à la fois des artistes natifs, natifs NFT, donc de l'art digital qui étaient peu ou pas connus dans le monde d'avant, dans le monde des galeries et du physique classique. Et il y a aussi des artistes du monde d'avant, des galeries physiques et des collections en impression, qui sont en train aussi d'arriver et de faire la transition. Moi j'essaye de faire un peu. Tout d'abord, c'est Bruce Gilden, qui est un grand photographe américain que j'aimais beaucoup depuis longtemps. J’aimais beaucoup ses œuvres, il est arrivé dans le NFT il y a à peu près un an. J'ai acheté pluseurs de ses NFTs. Il est rentré dans les NFTs. Il est un photographe considéré comme classique mais qui est arrivé sur les NFTs et qui a très bien fait sa collection de NFT, la façon dont il l'a promu, la façon dont il a communiqué dessus, la façon dont il a sorti chacune des photos au fil de l'eau dans une série de New York qui était une des série les plus connues. Cela a été extrêmement bien fait. Bravo. Pour moi, c'est ce que j'ai vu de mieux venant d'un photographe « classique » qui fait la migration vers les NFTs. j'invite tout le monde à regarder comment il a fait et à ceux qui ne connaissent pas son œuvre à la découvrir. Je collectionne Bruce mais aussi d'autres artistes plus nativement numériques dans le sens NFT. Cela va dépendre de mes goûts, ça va dépendre de l’histoire que j'ai envie de raconter. Il y a des choses que j'aime visuellement parce ça m’intéresse, parce que il y a un attrait pour moi, visuel et
esthétique. Mais après, en tant que collectionneur, il y a aussi des œuvres que j'achète parce que je pense et j'espère qu'un jour elle rentrera dans un musée ou en tout cas elles seront suffisamment iconiques et notables pour entrer d'une certaine façon dans l'histoire de l'art. Bien je ne vais pas y arriver sur tout, c'est impossible. Mais c'est un peu l'objectif, en tout cas, je l’espère de tout mon cœur comme pas mal de collectionneurs.
Dans la catégorie des artistes photographes NFT natifs, je détermine l'artiste et la collection ou l'œuvre en particulier qui va rentrer dans l'histoire un jour. C'est un work in progress. Je ne vais pas m'arrêter. Bien sûr il y a un peu de Justin Aversano qui est un artiste les plus connus des NFTs. Dans les artistes que je collectionne il y a aussi Brenda North et Kathleen Cronenberg que j'aime beaucoup, elle est la fille du réalisateur David Cronenberg, qui est elle même réalisatrice et photographe depuis des années et qui a fait aussi une très belle migration dans les NFTs et qui a un univers magnifique. Et je suis un assez gros collectionneur de son travail. Et je sais pas combien elle a fait de NFT mais j'en ai probablement 8 ou 9. Et si elle en a sorti une quarantaine, j'en ai un quart. Cela montre que j'aime bien ce qu'elle fait. Et même sur Justin Aversano et Kathleen Cronenberg qui avaient déjà fait plusieurs expositions et qui vendait déjà auprès des collectionneurs en argentique, le fait d’arriver sur les NFTs cela a accéléré leurs visibilités et leur distribution, d'un coup ils se sont retrouvés à avoir un marché où ils avaient une galerie à New York et Los Angeles. Mais si vous n’aviez pas la chance de passer devant à New York ou à Los Angeles, ou que vous n'ayez pas tapé sur Internet pour trouver leur site web éventuellement, il y avait peu de chances que vous rencontriez cet art. Alors que les NFTs ont un côté beaucoup plus démocratique en termes de distribution, en terme de visualisation et donc il y a beaucoup plus de gens qui peuvent s'intéresser à ce que vous faites parce que en fait, vous avez une diffusion, un display, et on présente en fait visuellement ce que vous faites, qui est beaucoup plus large puisque vous passez principalement par Twitter, Instagram et les choses comme ça, vous allez présenter votre œuvre et donc vous avez des centaines de milliers de personnes qui voient vos photos. Et peut être que parmi ces centaines de milliers, il y en a qui l'ont aimé. Il y en a certains qui vont être vos collectionneurs et donc ça les NFTs, ça casse complètement les barrières géographiques puisque je n'ai pas besoin de… Quand je le faisais, quand j'ai acheté des photos à Los Angeles, à New York, je vous laisse imaginer que c'était sur le plan logistique. Il fallait que j'appelle la galerie. Je disais ok je vous achète cette photo. Super. Ensuite, il fallait qu'il l'emballe, qu'il les envoie à la douane, il passait par des tas d’étapes. Je vous raconte pas, déjà le prix que ça coûte, le temps que ça prend. Il y a plusieurs photos, malheureusement, qui sont arrivées abimées parce qu'ils avaient la très bonne idée de les mettre dans des cadres avec une glace, tout ce qu'il faut pas faire. J'ai tout eu ! Donc tous ces problèmes logistiques là, je ne les ai plus et c'est instantané ! J'achète que la galerie ou l'artiste soit à Kuala Lumpur, à New York ou en Antarctique ce n'est pas grave parce qu'il n’y a plus de frontières. Et pour moi pour les œuvres d'art, pour les photo NFT et les NFT d'art en général, Il n'y a plus de question de géographie, c'est instantané. Il n'y a plus de problème de logistique, etc. Et pour moi c'est génial !
Estelle Decléènne • Merci à Jean-Michel pour son côté passionné qui est extrêmement rassurant parce que l’on pense souvent que c'est une bulle spéculative et que les collectionneurs ne sont que de vils spéculateurs et qu'il y a du blanchiment d'argent, etc. On entend tout ça à longueur de temps et cela vient nourrir une peur parce que alors que finalement, dans le monde d’avant, la spéculation, il y en avait également, du blanchiment, il y en avait également, il y en aura toujours. Mais Jean-Michel, il replace aussi l'église au milieu du village et c'est très bien.
Qu’est-ce que cela t’évoque Dimitri, ce qu'a raconté Jean-Michel?
Dimitri Daniloff • Je suis tout à fait d'accord avec lui dans le sens où d'un seul coup, on a une circulation de l'art qui est décuplée. Et c'est exactement ce qu’il racontait quand on voulait acheter une image ou même déjà rentrer dans une galerie. Ce n'est pas quelque chose qui est donné à tout le monde. Il faut une certaine culture. Ce n'est pas quelque chose que des gens « lambda » vont faire. Parce qu'il y a toute une relation avec la galerie, il y a une complexité dans la relation, dans le marché. « Si je rentre, les gens vont penser que je ne vais pas comprendre. Alors je ne vais pas poser de questions. » Peu importe – et cela va être choquant – peu important la qualité du travail. On n'est même pas là pour juger : « Est-ce que cet artiste est bon ou pas ». C'est : « Est-ce que cela me plaît ou non ». C'est un artiste qui n'aura pas suivi le cursus des Beaux-Arts, qui sort d'Amérique du sud ou d'Argentine. Je pense à cet ami argentin qui n’a jamais fait les Beaux-Arts. Maintenant, il expose à New York, il expose au Canada, il expose partout. Il est reconnu comme artiste de réalité augmentée, mais il n'a jamais suivi le bon cursus. Et il a des collectionneurs qui sont Monsieur Tout le monde. Et d'un seul coup, c'est exactement ce que raconte Jean-Michel, c'est que tout le monde a accès et tout le monde peut se dire mais j'ai envie de commencer une collection. Et si vous voulez voir ma collection, voir ma « curation », vous rentrez sur mon compte Tezos, et vous alez voir la sélection que je fais. Et c’est accessible à tout moment. Vous allez aussi avoir des nouveaux curators, parce qu'il y a des gens qui ont des vrais regards mais qui n’ont peut être pas fait les écoles et qui n’ont peut-être pas suivi encore une fois les bons cursus. Mais on va découvrir cela ne correspond peut être pas aux codes. Il a tel ou tel regard,il a telle ou telle compréhension d'un œuvre. Et on découvre un marché qui va exploser. Pour un petit détail, il faut se rendre compte de la capacité du NFT. Instagram a sorti une feature qui est pour le moment une fonctionnalité ultra confidentielle qu'ils ont donné à quelques gros influenceurs. C'est un petit bouton qui permet de changer la photo que vous venez de poster en NFT. Cela veut dire que vous faites une photo avec votre votre téléphone. Vous l'enregistrez sur Instagram, vous pouvez à partir de ce moment la mettre en vente, l'enregistrer sur la blockchainnen NFT. Cela veut dire que vous appropriez tout de suite votre image et vous la commercialisez, si vous avez derrière une communauté. C'est ce vers quoi va tout le marché NFT. Pour le moment, la blockchain n'a pas la capacité d'accueillir 50 millions de NFT, donc ça ne marche pas. Donc c'est pour cela que Instagram le réserve à quelques comptes. Mais imaginez s'ils le font maintenant, ça veut dire que dans un an, deux ans, trois ans, cinq ans, tout le monde est photographes, tout le monde est créateurs et tout le monde peut commercialiser son image et tout le monde est propriétaire. On revient à la propriété intellectuelle, à la propriété de son image. Après, effectivement, comme on disait tout à l'heure, il y a des questions de droit. Et il y a une grosse question qui se pose en ce moment auprès de beaucoup de collectionneurs et qui vient historiquement des crypto-punks. En fait c'est l'historique des NFTs, en gros les crypto-punks, c'est une des choses qui a fait leur valeur, c'est que vous pouvez faire des tee-shirts et vous pouvez les commercialiser. Une fois que vous avez acheté, vous faites ce que vous voulez avec. Et l'une des grandes questions des collectionneurs à l'heure actuelle, c'est quand j'achète mon image. Est ce que tu m'autorises ? Est ce que dans ton smart-contract, tu m'autorises à diffuser l'image, à l'utiliser? Est ce qu'on a moyen dans ce smart-contrat de définir différentes utilisations ? Pour que si je t'achète ta photo, j'ai le droit de faire des tee-shirts, de faire des mugs, des affiches et pourquoi pas ? C'est peut être choquant encore une fois. Pour la première fois, on m'a dit ça. Je suis français, je viens de la culture française des droits de l'image et tout ça. La première fois qu'on m'a dit ça, j'ai dit « Mais jamais de la vie, je ne veux pas laisser à n'importe qui utiliser mon image ». Et puis finalement, quand vous réfléchissez, on vous dit ton image, je te l'achète, je la commercialise, alors je l'achète au même prix aussi. Pourquoi les crypto-punks, ils valent un million d'euros ? C'est parce que vous pouvez en faire ce que vous voulez. Ce n'est pas seulement : « J'ai un joli PFP ». Non, vous avecz une image que vous le droit d'utiliser commercialement, vous avez les droits commerciaux d'utilisation. En tant que photographe, c'est exactement la même chose. Pourquoi pas accepter si c'est la personne qui l'achète [met la somme nécessaire] ? Je sais que dans le droit français, on ne peut pas acheter complètement les droits d'une image. On a le droit américain, mais je sais que j'ai fait des campagnes aux États-Unis où souvent on m'achetait tous les droits. « L'image n’est plus à toi, j'en fais ce que je veux, elle m'appartient. » Pourquoi pas en tant que photographe décider puisqu'on est maître de son image… Mais pourquoi pas accepter de vendre ses droits? Et si l'un de mes collectionneurs (comme cela m'est arrivé), est super doué en business. Il me dit, « si tu veux, on va monétiser certaines de tes images ». Pourquoi pas? Si ça me permet, en tant que photographe, d'augmenter ma cote ? Parce que finalement, la diffusion de mon image, on revient à ce que disait Jean-Michel. Plus vous allez diffuser votre image, plus elle va être visible. Plus elle va avoir de valeur aussi. Donc, si vous avez derrière vous quelqu'un qui l'achète, qui la commercialise et qui sait la valoriser, parce que en tant que photographe, moi je ne sais pas valoriser tout ça de mon travail. J'en suis incapable. Ça fait 20 ans que je fais de la photo. Si j'avais su le faire, je ne serait pas en train d'essayer de vendre des NFTs. Donc il y a toute cette relation qui fait que déjà ça devient un business. C'est vrai. Mais finalement l'art, ça a toujours été un business. Sauf qu'il faut accepter le fait [une commercialisation]… La définition de l'artiste du 18e., pauvre et misérable, c'est fini. Maintenant, l'artiste si on regarde les grands noms, c'est un chef d'entreprise, exactement.
Estelle Decléènne • Merci beaucoup Dimitri. On a déroulé un grand tapis rouge bien épais aux NFTs, mais je suis un peu obligée quand même de me faire l'avocat du diable par la voix de Stéphanie pour qu'elle forme quand même quelques avertissements.
Stéphanie de Roquefeuil • C'est moins des avertissements que des informations en fait. Comme on l'a dit au départ de cette conférence. Le monde des market-places, c'est un monde de liberté, c'est un Far West juridique, mais c'est aussi un no man's land où tout reste à créer et c'est la beauté du truc, justement, c'est qu'il appartient à chacun de contribuer à créer l'environnement virtuel dans lequel il va échanger ses photos, les vendre, en suivre la vie artistique etc. La conséquence de cela, c'est que dans le Web 3.0, il n'y a pas d'autorité centrale. Chacun va contractualiser, comme tu disais avec son client, avec son collectionneur potentiel et dire je t’autorise à faire ce que tu veux de la photo. Et selon le droit américain? Parce qu'en réalité, on sait même pas très bien quel est le droit qui s'applique à l'acheteur ou vendeur. Tout ça, ce sont des comptes qui ne sont pas forcément attachés au territoire français. Tout ça, ça reste extrêmement vague et pas du tout défini. Donc, chacun a le droit, selon la liberté contractuelle, de définir contractuellement ce qu'il va faire de ses NFTs. On vous traite comme des grands en tant qu'acteur du monde du web 3.0 avec beaucoup de pouvoirs via beaucoup de responsabilités comme le disait le Seigneur des anneaux [Spider-Man ou Franklin D. Roosevelt en 1945 et Winston Churchill en 1906]. Parce que vous avez une grosse responsabilité, vous devez vous informer. Ça veut dire que quand vous souhaitez tokeniser, minter une image en NFT et faire vivre vos images dans le web 3.0, vous devez vous renseigner sur les interlocuteurs que vous allez choisir pour faire ça. Quelle est la plateforme? Quelle est la monnaie? Quels sont les collectionneurs avec lesquels je vais contractualiser? Est ce que c'est des vrais? Des faux? Et quelles sont leurs objectifs. Est ce qu'ils ne vont pas disparaître?
Le jour ou vous avez un problème dans le Web 3.0, il n'y a personne pour vous récupérer par la peau du derche et vous aider à récupérer vos actifs. Vous perdez votre mot de passe. C'est terminé. Vous avez un problème, vous vous faites hacker, il n'y a personne derrière. Vous êtes comme des grands, mais du coup, vous êtes seul.
Donc, il vous appartient d'agir de manière responsable et de faire vivre votre entreprise. Comme tu le disais, comme comme quelqu'un qui a agi en bon père de famille à tout moins, c'est à dire prend les renseignements nécessaires, contractualise avec les bonnes personnes, fait un suivi et choisit la manière dont il veut gérer. Je pense qu'il y a une vraie responsabilisation à faire.
Dimitri Daniloff • Le Web 3.0, c'est une reprise de la responsabilité de chacun. C'est
super important de le comprendre parce que comme comme tu le disais tout à l'heure, si vous avez le moindre problème, il n'y a personne pour vous aider ou pour récupérer. Quand vous entrez en tant qu’artiste dans tout cet écosystème, c'est : « chacun est responsable de sa propriété, que ce soit de ses images, de tout ça ». Il y a tout un système de décentralisation, effectivement, mais qui est lié à ce concept du « je suis autonome », je n'appartiens plus à un État parce qu'il y a quand même ce concept là qui est derrière. C'est je fais mes propres règles ou en tous les cas je me met d'accord avec d'autres personnes pour que l'on vote. Toutes les plateformes d'art qui existent de NFT sont organisées sous forme de DAO. Donc c'est une organisation autonome, décentralisée. Le principe, c'est que chaque acteur vote toutes les décisions qui vont s'appliquer à la plateforme. Donc tout le principe, toute l'organisation, voilà toute la construction de la blockchain autour de ça, c'est cette responsabilisation. Mais ça va aussi bien en terme de la gestion de votre argent dans vos crypto-monnaie que la gestion de la plateforme, de vos œuvres et de vos contrats et tout ça.
Estelle Decléènne • Petite question à Didier est ce que du coup, les NFTs s'adressent à tous les photographes ou à quelques uns, ceux qui auraient déjà un univers qui aura été créé comme pour Dimitri à travers le web 2.0, ou est-ce qu'un photographe débutant, par exemple, peut déjà se positionner? À ton sens, est ce qu'il y a un intérêt?
Didier de Faÿs • La photographie s'adresse à tous. On est tous photographes aujourd'hui avec l'iPhone. Donc diffuser l'image, c'est forcément ouvert à tous et c'est recommandé de la diffuser très tôt, particulièrement pour des jeunes photographes. Tout à l'heure, Jean-Michel Pailhon a parlé de Bruce Gilden qui est un photographe très important, très connu et qui a bien maîtrisé rapidement le NFT. Il y a également Dimitri Daniloff qui maîtrise. Mais également, les jeunes, ça s'adresse à eux, surtout à eux. C'est à eux de s'emparer de cela. C'est à tous les photographes aussi d'écrire. Tout à l'heure, Stéphanie a rappelé qu'un NFT, c'est un contrat, ce sont des lignes de code dans lesquelles on peut inclure des choses. C'est également au photographe de dire ce qui est important pour lui. Comme l'a dit tout à l'heure Dimitri. Est ce qu'on souhaite inclure tous les droits? Céder des droits, rester dans un protocole très français ou européen du droit d'auteur. Moi je le recommanderais, mais bien sûr, et on va agir pour cela. Mais dans ce Far West, c’est surtout aux créateurs, aux auteurs de s'exprimer et à inventer ou réinventer des choses, imaginer des nouvelles façons de diffuser. C'est une période extrêmement importante et excitante parce que c'est maintenant qu'il faut la prendre. Si on parle dans six mois, c'est beaucoup de temps…
Estelle Decléènne • Je suis bien d'accord avec toi et c'est pour ça que c'est important dans un secteur qui est cruellement en crise. On a abordé maintes et maintes fois avec l'Union des photographes professionnels. Non seulement c'est un retour de la paternité de ces œuvres comme tu as pu l'expérimenter, mais c'est aussi un moyen de gagner simplement notre vie, notre vie de photographe. Pour l'instant, les propositions du ministère de la Culture ne tournent jamais autour des NFTs. En tout cas, on n'a jamais eu de réponse concernant les NFTs. Donc il serait peut être temps aussi que le ministère s'y penche et fasse des propositions, car c'est une des solutions pour espérer sauver un secteur. J'espère que la façon dont on a abordé cette table ronde vous a plu. Que vous en avez tiré un enseignement et si vous avez des questions à nous poser, c'est avec grand plaisir.
Dimitri Daniloff • J'ai juste une chose à ajouter, ce n'est pas un Eldorado, ce n'est pas parce que vous y entré que ça va réussir. Encore une fois, c'est une vraie responsabilisation. Donc ça veut dire si vous voulez marcher dans ce monde du NFT, ça va vous demander du travail, du travail de communication, du travail de réseau, d'être présent, de partager votre travail. Alors effectivement, je suis d'accord avec Didier. C'est bien que tout le monde y rentre parce que c'est vraiment un moyen pour plein de créateurs, de photographes, d'artistes 3D de commercialiser leur travail, peut être d'arriver à en vivre, s'ils trouvent leurs réseaux, leurs collectionneurs. Mais ça n'arrive pas tout seul non plus. Il faut en avoir conscience. Ce n'est pas parce que vous rentrez dans ce monde des NFT que dans cinq jours que vous allez vendre vos images. Et ce n'est seulement en rentrant avec des images. Moi, c'est un peu l'illusion que j'ai eu au début, quand je suis rentré avec mes images de Daft Punk en disant avec des images de Daft Punk je vais vendre ça comme ça. Non, pas du tout. J'ai mis trois mois avant d'arriver à les vendre. Et avec la première vente je me suis dit bah je vais faire une vente aux enchères, sans mettre de prix de réserve, parce que comme ces Daft Punk, ça devrait bien se vendre. Et en fait, l'enchère a été déclenchée et au bout de 24 heures moins 10 minuts, je ne n'avais pas eu d'offre. Et à 10 minutes, j'ai quelqu'un qui met une offre à 100 €. Vous ne pouvez pas l'annuler. Vous devez accepter ce contrat. Ça marche comme ça. Et heureusement qu'un collectionneur qui connaissait mon travail a débarqué à ce moment là. Il a commencé à surenchérir. Mais c'était quelqu'un de connu dans le milieu des collectionneurs. Quand il m'a dit je ne pouvais pas non plus passer de 100 € à 5000.Même si moi c'est la valeur que je donnais à ton image, je ne pouvais pas. Donc j'ai dû surenchérir. Il a surenchéri deux ou trois fois. La photo s'est finalement vendu 1 500 $. Moi, super déçu, j'étais content de l'avoir vendu, mais ce n'est pas du tout ce que j'attendais. Et les collectionneurs derrière m'ont dit « Tu t'es tiré une balle dans le pied. Maintenant, il va falloir que tu recommences à zéro. On va t’aider, mais il va falloir que tu recommences tout à zéro.» Donc on rentre pas non plus dans le monde du NFT en disant ça y est, je vais gagner de l'argent. Il y a tout un mécanisme et il y a toutes les façons de comprendre le marché. Il y a une mise en scène à faire et voilà, c'est très important.
Stéphanie de Roquefeuil • Je pense que quand on ne connaît pas le monde des NFTs on a intérêt à se faire accompagner. On ne peut pas débarquer et créer n'importe quel wallet avec n'importe quelle app, sur n'importe quelle plateforme. Il y a des apps qui sont plus faciles que d’autres. Il y a des crypto monnaies qui sont plus fiables que d'autres. Il y a des plates formes qui sont plus sérieuses que d'autres. Si on n'y connaît rien et si on ne sait pas exactement par où commencer, il faut poser une limite au libéralisme à tout crin et se dire je suis autonome. Je suis autonome, oui. Mais parfois les pros et N+1, les référents dans un monde ce n'est pas forcément une mauvaise chose. Cela vaut le coup de se lancer avec toutes les billes pour fair eles première ventes qui se prolongent derrière.
Dimitri Daniloff • Deux conseils : faites vous accompagner, mais n'écoutez personne. Pourquoi? Parce que c'est quand même un milieu où il y a beaucoup d'argent. Il y a beaucoup d'enjeux et beaucoup de requins. Et donc il faut vraiment arriver à se faire sa propre opinion. Encore une fois, on revient sur la responsabilisation de chacun. C'est il n'y a personne qui sera responsable si demain vous perdez votre propriété. J'ai déposé mon nom, j'ai déposé tout ça sur les blockchain pour être sûr ne serait ce que ça, pour être sûr d'être propriétaire de mon nom sur les blockchain, sur les différentes blockchains sur lesquelles j'ai un intérêt. Après, il y a des questions d'éco-friendly. Il y a tout ce genre de questions. Des blockchains sont éco-friendly, d'autres non. Donc ça, c'est en accord avec soi même. Donc, faites vous votre propre opinion. Faites vous accompagner. Allez chercher des informations et essayez de trouver différentes sources d'information. Voilà pourquoi, pour ne pas partir sur un mauvais chemin.
Stéphanie de Roquefeuil • Il est possible de créer un NFT qui dise si le propriétaire de NFT n'a pas bougé son compte crypto depuis deux ans, alors envoyez le mot de passe à telle adresse mail. Je trouve qu'on arrive aux confins de la logique du NFT ou tu peux quand même sécuriser un minimum l'accès à des comptes crypto. Donc utilisez les NFT jusqu'au bout de leur logique, tirez-en le meilleur et passez à côté du côté obscur de cette force encore un peu inconnue.
Estelle Decléènne • Voilà juste un petit dernier conseil aussi, c'est d'écouter le très bon podcast de NFT Morning sur Club House qui diffuse au quotidien avec John et Remy qui sont des personnes formidables.
Dimitri Daniloff • Ils ont monté le projet NFT Factory à Paris, qui est en fait une association des acteurs actifs du milieu.
Didier de Faÿs • Cette Factory a vocation d'accompagner justement comme vous le recommandiez, tous les projets qui pourraient tourner autour des NFTs.
Dimitri Daniloff • Pour ma part, je lance un projet de plateforme LiveTheLife pour les photographes. Justement, on va s'occuper d'emmener en fait les archives des photographes Ce n'est pas leur travail actuel. Chaque photographe reste indépendant dans son travail. Il fait ce qu'il veut, nous ce qu'on va proposer comme service, c'est de prendre en charge des archives, donc qu'une quantité d'images, et d'accompagner et de monétiser ces images. On a lancé ce projet, de faire une plateforme pour accompagnement avec curation pour accompagner les photographes dans le temps. Le problème des archives est un problème énorme pour les photographes. Quand on a une carrière de photographe de 40 ans, ça prend beaucoup de place, on ne sait pas bien quoi en faire. C'est le projet que j'ai lancé justement de valoriser ces archives. Parce qu'on est nombreux comme photographes à avoir des quantités d'images qui dorment. Et si on en revient à ce que disait Jean Michel Pailhon tout à l'heure, c'est que les images qui dorment n'ont pas de valeur sûre. Pour leur redonner cette valeur, il faut les faire circuler, il faut organiser. Alors c'est là ou on revient sur des musées virtuels. Pourquoi? Parce que le musée virtuel, c'est de l'espace supplémentaire. C'est des musées dans lesquels vous pouvez accueillir des collectionneurs. Donc à voix haute, vous pouvez leur parler comme je suis en train de vous parler maintenant sans être avec eux. Mais vous allez toucher d'un seul coup des centaines de collectionneurs partout dans le monde qui peuvent aimer votre travail. Vous allez pouvoir les recevoir dans ces espaces virtuels, les accompagner lors de visites guidées en leur expliquant chacune de vos images. Vous allez pouvoir discuter, partager votre passion. Et par rapport à ces collections, ces archives, il faut faire très attention, ne pas tout partager non plus notamment les second choix. Surtout pas, surtout pas faire cette erreur de dire c'est un marché parallèle, je vais juste mettre mes second choix. Et puis je vais me garder mes premiers choix.