Toutes les couleurs des mots
Nous sommes tous photographes aujourd'hui. S'adresser au monde, c'est alors témoigner par la photographie d'un engagement essentiel. L'engagement peut-être politique ou poétique, c'est le parcours qui en donne sa valeur.
Celui de Marie Mons, alias Aurore Colbert est ponctué de livres à compte d'auteur, de pierres blanches qu'elle nous lance. Regardez-moi, dans toute ma différence que vous voyez en pleine gueule, j'existe. L'existence pour le photographe, c'est l'histoire racontée, la sienne ou celles des autres. Et la jeune photographie conjugue les deux. Regardez-moi, mon histoire c'est la nôtre.

De l'exil insulaire de l'Islande à la Martinique, Aurore, Marie nous emmènent à traverser nos identités. Le voyage initial au cœur des contrastes gelés est violent. Elle est née de cette différence. La différence est toujours violente. Le contraste de la glace à l'obscurité se révèle dans les emails initiatiques et les psalmodies des chamans. Chaque photographie est une renaissance qu'elle nous impose.

Sa vie se sur-impose en une odyssée où résonne l'onde de choc du racisme structurel anglo-saxon atteignant les racines de l'Europe. Traversant l'Atlantique en trois voyages vers l'île antillaise, sa photographie nous révèle notre histoire, celle d'il y a quatre cents ans –peut-être en filigrane– mais avant tout celles écrites par les Césaire, Glissant, Confiant ou Chamoiseau.
De la nuit polaire, le temps de la maternité, les mots, l'émoi de la photographie ont rejoint leurs textes de noirs et de blancs. Dans ce retour aux sources, la photographie ajoute ses couleurs à fleur de peau, de cannelle à sapotille, de griffe à chabine. Et le portrait est alors bien dressé, avec superbe, avec humanité : la nôtre, si contemporaine, car la photographie de Marie Mons nous fait voir le sens de l'Histoire où sa réalité mise en scène, laisse entrevoir la différence dans toute sa beauté.
Didier de Faÿs